Lettre du neuf décembre 1745, avec les
fautes et dans le français du temps.
A l'Hon. Paul Mascarene .... Com.t en Chef de la
Province de Sa Majesté en la Nouvelle Écosse ... et
aux Illustres Messieurs du Conseil du Roy
(dAngleterre). (Tout cela, dix ans à peine avant la déportation.)
Messieurs,
Nous osons nous assurer toujours de vostre Bonté. C'est ce
qui fait que nous prenons la liberté de Reclamer toujour vostre Protection qui nous est
necessaire plus que jamais dans la triste Conjoncture ou nous nous trouvons, étant
accablés d'un Coté et mecés de I'autre, vous Scavez, Messieurs, en quel Etat nous
reduisent et les François (c.a.d. en ce cas-ci: soldats Canadiens et compatriotes de
Beau-Bassin, Beauséjour, du continent et des Iles St-Jean et Rotyal) et les Sauvages dans
tout leurs Courses , ceux-cy Ravagent, pillent, tuent ceux-la (le présent ouvrage ne
saurait prendre le temps et l'espace désirables pour, en tous ces dires, faire le
trillage entre le bon grain et ... la fausse-paille! nous accablent de peine et de
traveaux, ne nous donnant pas le temps de respirer, et d'un autre Coté on nous fait
entendre qu'on viendra de Boston pour nous Reduire entierement, aquoy on auroit pas grand
peine, étant déjà bien abbatus en toutes maniere; quoy, Messieurs, voudriez vous nous
abandonner de meme.Nous presumons autre chose de vous!
Il est vray Messieurs Vos Ennemis trouvent de la Subsistance chez
nous, mais qui que ce soit qui habitent n'y trouveront il pas egallement ou de gré ou de
force? On travaille pour Eux dans leur Besoins ... Ny forceront il pas vos plus
affidés? On leur porte avec un certain plaisir ce qu'il demande; on le fait par
force pour se maitre a couvert d'un plus grand mal ... et malgré tout cela nous traitent
d'Anglois et nous font il mille paines. De prendre les armes ou en Serions nous,
Messieurs, Si nous les avions prises vous auriez ceux qui vous Restoient sur les Bras a
nourrir, depouillés de tout et tellement accablés de chagrin qu'ils seroient hors d'etat
de vous rendre Service Et toujours si nous faisans par foy quelque chose pour vos Ennemis
selon le sort de la guerre, nous voyez-vous, dez que nous sommes libres, courir a tout ce
que vous demandez de nous. avec quelle peine et quelle fatique ne vous avons nous pas
fourni les Bois que vous nous avez demands, toujours disposé à vous rendre service, a
quelle Epreuve n'a t'on pas mis notre fidélité sans que nous ayons rien fait de ce qui
peut avoir Raport aux Armes.
On se plaint a la verite Messieurs qu'il y en a quelques un qui
ont esté infidelle par une Certaine conduite et indiscretion. Mais voudra-t-on
perdre plusieurs innocent pour quelques coupable. Permettez, .Messieurs, que nous vous
demandions plustot grace pour eux sans pretendre les justifier. Et en cas de
recidive nous serons les premiers a les denoncer .... nous esperons que vostre clemence
surpassera leur malice, et leur Rechuite merittera moins de grace, et vostre bonté nous
attachera de plus en plus a Sa Majesté Britanique et par Consequent aux honorables
personnes qui nous tiennent sa place, faites donc Messieurs par Grace cesser nos Frayeurs
en nous assurant vostre protection que nous tacherons de meriter de plus en plus par nos
attentions a Suivre vos Ordres, à estre fidels au gouvernement et a offrir Veourx pour
que le Seigneur daigne repandre sur vous ses plus specials faveurs, etant dans un trez
profond Respect, de vos honneurs.
Le trez humble et trez obeissant
serviteur Deputez faisant par les
Habitants de la Riviere dAnnapolis Royalle:
JEAN SIMON LEBLANC (seul à signer
avec Louis Robichaud), Marque de + Jos. Robichaux, marque
de + Baptiste Pellerain, marque de + Jeant Melanson, marque de + Jeant
Melanson, marque de + Charles Giroir, marque de + Clodde (sic)
Giroir, LOUIS ROBICHAUX. Annapolis Royal ce vingt et uniesme juin
1745. |
Pétition au Gouverneur Général de la
province de Massachusetts Bay, en Nouvelle-Angleterre... et à son
conseil :
Nous prenons la liberté de vous adresser cette pétition, en raison
de la tristesse où nous sommes par rapport à nos enfants. Le désastre dont nous
avons souffert d'avoir perdu nos terres, puis d'avoir été transportés ici, en nous
trouvant séparés les uns des autres, n'est cependant que bien peu de chose à comparer
avec la douleur que nous éprouvons à voir
qu'on nous arrache maintenant nos enfants, sous nos propres yeux. Cela est un
outrage à la nature elle-même !
S'il était en notre pouvoir de faire un choix, nous préférerions
nous livrer nous-mêmes corps et âmes plutôt que d'être séparés de nos enfants.
Voilà pourquoi nous supplions votre faveur et votre honneur d'au moins modérer une telle
inhumanité !
Vous le savez : nous n'avons jamais refusé de pourvoir nous-mêmes
aux besoins et à l'entretien de nos enfants pourvu qu'on nous en donne les moyens.
En vous priant d'avoir pitié de nous et d'avoir la
bonté de recevoir avec considération notre présente démarche, nous...... En
1756... Vos humbles et très soumis serviteurs, A Chelmsford, Jean
Landry. A Oxford, Claude Bennois (Benoit). A Concord: Claude Le
Blanc. Charle Daigue (Daigre). Pierre Le Blanc. A Worcester, Augustin
(Le) Blanc. A Endover, Jaque ébert (Jacques Hébert). Joseph Vincent. A
Waltham: Antoine ébert (Hébert). |
Le 20 août de la même année 1756, François
et Charles Le Blanc font une requête personnelle, en ces
termes:
(Aux mêmes personnages)
François Le Blanc, un pauvre habitant de I'Accady, vous fait
part humblement de ce que lui et sa famille -,dont cinq hommes ont été placés à Port
Shirly- n'ont pu pourvoir à leur stricte subsistance qu'avec beau- coup de peine, étant
donné que les allocations fournies par la Province ont complétement cessé, qu'ils ne
peuvent pas trouver d'ouvrage et que I'hiver approche, avec la perspective de ne pouvoir
travailler durant toute cette saison pour répondre aux nécessités de la vie,
excessivement chère en ces lieux; c'est un point que la famille de votre pétitionnaire
est exposée à mourir de faim et de froid. (N'oublions surtout pas que les nôtres
étaient habitués, depuis si longtemps, à la vie familiale, laborieuse et heureuse de
I'Acadie!)
Votre pétitionnaire a déjà fait affaires avec des gens de la Town
of York et est bien connu du Col. Donnell et du Cap. Donnell qu'il connait
bien et il croit qu'ils pourraient venir au secours de sa famille. Bien quil
soit maintenant âgé de 63 ans, avec I'aide de ses
garçons et un peu de secour public, surtout en tenant compte du fait qu'il ne se trouve
que huit Français (pour: Acadiens) dans cette ville, il espère bien qu'on ne fera pas
une malheureuse exception pour eux et demande qu'on l'y place, lui et sa
famille.
Signé:
François Le Blanc,
Charles Le Blanc. |